Le concours d'attaché, transféré du
CNFPT
aux centres de gestion en 2010, a connu simultanément une réforme des
épreuves qui semble avoir causé des dégâts auprès de candidats un peu
trop sûrs d'eux. 2010 a enregistré un taux d'échec important et suscité
l'inquiétude sur le
niveau même du concours et des candidats.
Pour
le concours d'attaché, 2010 a été un mauvais cru. Dans le Rhône, par
exemple, seulement 10 % des 1 400 candidats ont obtenu plus de 10/20
pour l'admissibilité sur la spécialité administration générale du
concours externe. À l'épreuve de composition, 14,52 % des candidats ont
passé la barre de la moyenne, plus du tiers avaient des notes
inférieures à 5/20... Pour 2011, les chiffres sont à peine meilleurs,
même si les résultats laissent penser qu'une amélioration se dessine...
Au centre de gestion de la Gironde, on constate un « énorme déchet à
l'écrit », selon les mots de son directeur général Philippe Patarin. Le
directeur du centre de gestion des Bouches-du-Rhône, François Colombani
observe aussi « un niveau de connaissances techniques relativement
faible, une méconnaissance de l'environnement territorial surtout pour
les candidats au concours externe, un manque de cohérence dans les
exposés, un comportement assez inadapté au formalisme des concours »...
Le
mal est parfois plus profond que de simples coquilles. « Les candidats
étudiants lisent moins vite et le niveau de compréhension est moindre
qu'il y a dix ou vingt ans, analyse Bernard Breuiller, directeur du CDG
29. Cette situation n'est pas propre aux concours mais reflète le niveau
de la société en général. Or l'analyse et la synthèse ne sont pas
possibles si l'on ne maîtrise pas la langue. Il ne peut y avoir de
reformulation que lorsque l'on passe par l'idée : il faut une phase de
conception. Il ne s'agit pas seulement de remplacer un mot par un
autre ! » Les deux dernières éditions du concours d'attaché ont mis en
lumière ces grosses lacunes en compréhension... Sur le sujet 2010
intitulé « L'initiative privée est-elle indispensable aux collectivités
territoriales dans la conduite de l'action publique ? », « l'initiative
privée a été perçue comme une initiative personnelle. Il y a des
candidats qui se sont totalement fourvoyés dans cette épreuve alors que
l'intitulé de l'épreuve était très clair », s'étonne Éliane Couturier.
En 2011, rebelote. « Les collectivités territoriales face à la mobilité
des hommes et des activités » a conduit nombre de candidats à ne traiter
la mobilité qu'au sens statutaire du terme... Une édition qui fait dire
à Éliane Couturier qu'il existe « quand même un déficit de
connaissances de base en matière d'activité des collectivités » chez
certains... Un peu gênant lorsque l'on a la volonté de travailler au
sein de la FPT...
Bilan nuancé
Les candidats seraient-ils
donc devenus complètement nuls avec le transfert du concours du CNFPT
aux centres de gestion en 2010 ? Aucune raison à cela répondent en cœur
aussi bien les CDG que des recruteurs. Les membres des jurys n'ont
quasiment pas changé... Le seul concours d'attaché ne serait d'ailleurs
pas l'unique cas d'espèce. La baisse du niveau concernerait les concours
dans leur ensemble. « Globalement, il y a plusieurs indicateurs qui
peuvent laisser penser que le niveau général des candidats baisse,
estime Éliane Couturier. Il n'est pas rare aujourd'hui de voir un jury
fixer un seuil d'admissibilité après l'écrit inférieur à 10/20. Les
seuils d'admission sont souvent soit égaux soit à peine supérieurs à la
moyenne, et exceptionnellement inférieurs à la moyenne. Parfois certains
postes ne sont pas pourvus. Pour autant, les résultats du concours
d'attaché de la session 2011 sont jugés globalement meilleurs que ceux
de 2010, surtout en externe où d'excellents candidats ont été
remarqués ».
Mais le constat apparaît plus nuancé qu'il n'y paraît
sur l'ensemble du territoire national, selon la phase du concours que
l'on observe et sa catégorie. Bernard Breuiller voit par exemple « une
note d'admissibilité plus élevée depuis deux ans » au CDG29. En Gironde,
Philippe Patarin n'a lui « pas senti de baisse de niveau. Ce serait
même plutôt le contraire. Les moyennes à l'admission se confortent et
sont même supérieures pour 2011 à l'année précédente »... Du côté des
recruteurs, certains considèrent, comme Étienne Desmet, vice-président
de l'ANDRHDT, que le « niveau du concours d'attaché ne progresse pas »,
tandis que d'autres estiment que le niveau des personnes issues du
concours extérieur monte. Contrairement aux parcours d'il y a quelques
années en effet, les lauréats « sont bien souvent titulaires d'un Master
2, ont une formation universitaire pointue, généralement spécialisée
dans le monde des collectivités, ont fait des stages pendant de nombreux
mois et ont suivi une formation au caractère professionnel affirmé »,
fait remarquer Jean-Robert Jourdan, directeur général chargé des
ressources au département du Nord. Son prédécesseur au conseil général,
Valérie Chatel aujourd'hui DGA en charge des ressources à la région
Rhône-Alpes et présidente de l'association des DRH des grandes
collectivités, partage la même opinion. « Ils sont plutôt bien préparés
aujourd'hui, même s'ils ont des niveaux d'expertise moins élevés
qu'auparavant. On recrute globalement les attachés à Bac + 5. À ce
niveau-là, quand ils ont choisi un Master sur les collectivités, ils ont
fait des stages. Globalement, ils ont peut-être des compétences plus
généralistes, mais ils sont quand même assez au fait des attentes des
collectivités et suffisamment formés sur le plan méthodologique, ce qui
leur permet de s'adapter assez facilement ». En revanche, elle ne fait
pas la même analyse pour le concours interne pour lequel « la question
du niveau s'est toujours posée. Ce n'est pas facile de préparer un
concours en travaillant. Mais parmi ces candidats, il y en a qui ont eu
une évolution de carrière et qui pensent qu'un concours ne nécessite
rien. Soit ils ne travaillent pas assez, soit ils n'ont pas la culture
et la vision du monde suffisantes. Mais cela n'est absolument pas
récent. La réforme permet de se reposer la question des compétences ».
Des candidats désorientés
Les éditions 2010 et 2011
auraient donc bien marqué un tournant dans l'histoire du concours
d'attaché et ébranlé son niveau, mais pour des raisons liées davantage
au changement dans la nature même des épreuves. En même temps que le
transfert de l'organisation du concours du CNFPT aux CDG, est intervenue
une modification des contenus. Le concours interne et le troisième
concours sont passés à une seule épreuve à l'écrit (rédaction d'un
rapport). Le concours externe ne comprend plus qu'une composition et la
rédaction d'une note pour l'admissibilité. La réforme a alors été
porteuse d'un message mal compris par les candidats. Si les épreuves ont
été présentées comme simplifiées, voire allégées, donc plus abordables,
le concours est resté un concours. Avec moins d'épreuves, donc moins de
chances de se rattraper. Les deux premières éditions post-réforme ont
désorienté les postulants. Beaucoup de candidats se sont présentés aux
écrits « les mains dans les poches »... ce qui a contribué à faire
chuter les moyennes générales.
Le manque de préparation a transpiré
aussi bien sur le concours externe qu'interne. « Sur le concours
externe, les candidats sont fortement diplômés. Ils considèrent qu'un
concours de niveau 3 est forcément à leur portée. Or ce n'est pas exact
du tout. Sur le concours interne, beaucoup ont échoué car ils y sont
allés sans préparation la première année. La deuxième année, les
meilleurs ont réussi le concours. Mais il y a encore un magma de
personnes en poste qui considèrent qu'ils peuvent passer ce type
d'épreuve sans préparation particulière. 60 % des candidats déclarent
s'être préparés tout seul, sans aucune aide du CNFPT, d'un Ipag, du
Cned, etc. C'est assez significatif. Cela n'existait pas avant dans des
proportions aussi importantes, détaille Jacqueline Brierre, directrice
des concours au CIG Grand-Couronne. Les meilleurs, ceux qui se sont
préparés et qui ont un bon niveau d'écriture réussissent le concours.
Mais c'est un leurre de croire qu'il est facile ». Là encore la
perspective est à nuancer car les candidats admissibles et ceux qui vont
jusqu'au bout sont en général « mieux préparés » aujourd'hui relève
Philippe Patarin. À l'étape de l'oral, la préparation est plus sérieuse
et l'absentéisme bien moindre que pour la première phase où il y a un
taux de 40 % d'absents en moyenne. Pour l'écrit de la dernière session,
les candidats semblent avoir même pris la mesure du niveau réel du
concours. Les CDG constatent une meilleure préparation. « Il y a un
effet de balancier » mais les choses devraient « se rééquilibrer »
prévoit Francis Alvado-Vinay, directeur adjoint au CIG Grand-Couronne.
« Quand on prend une gifle, on revient mieux préparé l'année suivante »,
ironise Philippe Patarin.
Professionnalisation, piège à c... andidat
Pour certains centres de
gestion, l'augmentation importante du nombre de candidats a également eu
un effet comptable sur le taux d'échec. Le CIG Grand-Couronne a, par
exemple, eu 25 % d'inscrits en plus. Comme la proportion des postes
ouverts est restée stable, la sélection y a été plus rude. La
professionnalisation des épreuves en a aussi piégé plus d'un. « Elle
laisse penser aux candidats que la préparation n'est pas impérative,
qu'ils vont pouvoir s'appuyer sur leur expérience professionnelle et
qu'ils sont dans une phase de régularisation, analyse Éliane Couturier.
En concours interne et en 3e concours, cela laisse penser qu'ils vont
passer devant un jury qui va reconnaître leur expérience
professionnelle. Mais le concours « reste difficile à traiter car tout
est possible. On n'est pas uniquement dans de la méthodologie, mais
aussi sur de la mobilisation de connaissances ». Et il faut des
« connaissances professionnelles approfondies. On demande aux candidats
des solutions opérationnelles » ajoute Jacqueline Brierre. Or ils
« manquent d'expérience professionnelle. À l'oral pour les entretiens de
mise en situation, les externes sont dans la théorie mais pas du tout
dans la pratique. Et ce n'est pas ce qu'on attend d'eux. Cela les
pénalise ». Un point de la réforme pour le concours externe qui laisse
l'Union nationale des cadres territoriaux (UNCT, ex-SNCT) dans
l'expectative. « Comment un candidat peut-il imaginer un cas pratique
puisqu'il n'a pas cette pratique, interroge Fabienne Cauzic, sa
présidente. L'oral rend difficile l'appréciation pour un examinateur ».
Avec
des épreuves plus axées sur la mise en situation, les candidats en ont
« oublié les fondamentaux » que constitue la culture générale, estime
Philippe Patarin. La professionnalisation a aussi redistribué les cartes
en ayant une « influence sur le profil des candidats, pour Francis
Alvado-Vinay. Avant la réforme, le profil académique et universitaire
des épreuves attirait les étudiants type Sciences Po. La
professionnalisation a rééquilibré le niveau général des candidats vers
certains plus généralistes ».
Des adaptations nécessaires ?
Certains acteurs invoquent un
décalage trop grand entre la formation initiale et les attentes lors du
concours. Étienne Desmet pense qu'il y a une « vraie réflexion à mener
sur les formations » préparant au concours (instituts d'études
politiques option service public, Master 2 en gestion des organisations
publiques et des collectivités locales...). « Ne faut-il pas introduire
des UV, comme dans les écoles de commerce avec les UV d'expertise
comptable, par exemple en droit administratif, en connaissance de
l'environnement des collectivités territoriales, des institutions
françaises... tout en étant plus exigeant sur la formation première, se
demande le vice-président de l'ANDRHDT. Il est décevant de voir des
étudiants qui ont fait cinq années d'études avec ce niveau. Il faut
aussi peut-être qu'on se cale beaucoup mieux avec les universités et les
instituts de formation au management public. On a l'impression que deux
mondes vivent séparés l'un de l'autre. C'est très surprenant ».
D'autres,
à l'image du CDG 69, déplorent qu'il n'y ait plus qu'une épreuve unique
pour l'admissibilité du concours interne car « elle ne permet pas de
faire une sélection assez fiable et de qualité, ce qui peut générer des
surprises en phase d'admission », selon Éliane Couturier. « Avec moins
d'épreuves, la sélection est plus aléatoire, complète Bernard Breuiller.
Multiplier les épreuves permettrait de développer le sens critique ».
Et pallier un éventuel décrochage de niveau entre les catégories A et A
+ dans les collectivités que la réduction du nombre d'épreuves fait
redouter à François Colombani. Ouvrir les jurys aux universitaires
(philosophes, historiens, linguistes...) et les rendre plus
représentatifs entre les petites et grandes collectivités, comme le
propose Jean-Robert Jourdan, permettraient aussi de contrebalancer la
tendance. Il semble en effet que le concours demande quelques
adaptations au regard du contexte futur. Le marché de l'emploi en
collectivité se contracte, ce qui a poussé les centres de gestion à
réduire le cadencement du concours pour éviter le phénomène des
reçus/collés (qui ne pose pas encore officiellement pour le concours
nouvelle formule avec ses deux ans d'ancienneté). Mais cela ne sera
peut-être pas sans effet. Pour le directeur général chargé des
ressources au département du Nord, organiser le concours d'attaché tous
les deux alors que les diplômes universitaires sont annualisés pourrait
avoir des effets contre-productifs pour l'attractivité de la fonction
publique territoriale (au profit de la fonction publique d'État) et donc
sur le niveau des candidats. Par ailleurs, si le nombre de recrutements
diminue, le concours n'en sera que plus sélectif et risque d'en laisser
davantage à la porte...
(Avis aux amateurs du concours d'Attaché)